Mon Festival Lumière 2012

Retour à la réalité puisque la quatrième édition du Festival Lumière de Lyon s’est achevée magistralement hier soir après la projection inédite en France de La Porte du Paradis (Heaven’s Gate, 1980) de Michael Cimino, proposée dans la sublime version de 3h36 récemment conçue par le cinéaste. Et comme tout au long de cette folle semaine, les « battements de cœurs » étaient encore très forts lors de cette cérémonie de clôture. Gérard Depardieu le disait si bien l’année dernière, et cet incroyable partage d’émotions était évidemment au rendez-vous hier, troublant profondément Isabelle Huppert et Michael Cimino en personnes, invités d’honneur émus à l’occasion de cet incroyable clap de fin.

« Extrêmement fort et incroyablement près » conviendrait parfaitement pour qualifier la présence exceptionnelle de l’immense Max von Sydow cette année. Sur la scène du Théâtre des Ateliers, notre tout nouveau Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur a tenu à proposer une nouvelle fois une lecture de sa Leçon de comédien en français (lue une première fois le 9 juillet 2005 à l’Université d’Avignon, et publiée en 2011). Et il m’est certes difficile d’écrire sur cet instant chargé d’intensité… J’espère conserver ce souvenir le plus longtemps possible dans ma mémoire, en gardant intact, surtout, ce moment précieux où ce majestueux interprète parla, la gorge serrée et les yeux brillants, d’Ingmar Bergman (au passé, contrairement à la version papier où l’on peut lire ses propos au présent puisqu’écrits deux ans avant la disparition du grand cinéaste et metteur en scène suédois le 30 juillet 2007…) :

« J’ai eu le bonheur de travailler à plusieurs reprises avec le maître suédois, Ingmar Bergman, tant pour le théâtre que pour le cinéma. Il n’était pas musicien, mais il avait acquis une solide éducation musicale et il avait le sens et un amour profond de la musique. Sa manière d’orchestrer une pièce de théâtre ou un film ressemblait beaucoup pour moi au travail d’un chef d’orchestre. Il était toujours très bien préparé. C’est avec un grande minutie qu’il arrangeait les scènes. Il donnait rarement aux comédiens une analyse de leur personnage ou des ordres concernant leur interprétation. Mais son « blocking », comme disent les Anglais (c’est-à-dire ses instructions concernant les mouvements sur scène : du point A au point B, quand s’asseoir, quand avancer vers son partenaire, quand l’embrasser, quand lui donner une gifle, quand sortir, quand mourir, etc.), ces instructions étaient toujours très précises et éloquentes. Cela donnait immédiatement aux comédiens un rythme psychologique qui dévoilait l’essence de la scène. Il était toujours en avance sur ses comédiens, mais ouvert à toute bonne suggestion. Il pouvait être très dominateur, très possessif, très manipulateur. Mais toujours insupportablement génial. Il avait une incroyable aptitude à stimuler ses comédiens et ses techniciens, à partager son enthousiasme pour la pièce ou le film. Sa ponctualité était légendaire. Et son absolue discipline de travail incroyable. Le moindre petit bruit était absolument interdit pendant les répétitions, mais pendant les pauses, pour le thé, moment sacré, le rire était de mise. Son sens de l’humour était des plus agréables. Monsieur Bergman est sans aucun doute la personne qui m’a le plus influencé, que ce soit pour le cinéma ou le théâtre. Et je suis très heureux d’avoir aujourd’hui la possibilité de vous dire que mon admiration pour lui et ma gratitude à son égard sont sans limites. »

Max von Sydow, accompagné de son épouse Catherine et de son fils-réalisateur Cédric Brelet von Sydow, aura apporté à ce festival toute sa prestance, son immensité, sa force et sa sensibilité, au cours des différentes rencontres et projections proposées en son honneur (Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman, La Mort en direct de Bertrand Tavernier, Extrêmement fort et incroyablement près de Stephen Daldry, Max von Sydow : Dialogues with The Renterin Stephen Daldry’s, de Cedric Brelet von Sydow). Au même titre que Lalo Schifrin, tellement jeune, au regard si pétillant et à la répartie dévastatrice auprès de Stéphane Lerouge, Pascale Cuénot (réalisatrice du film Bandes Originales : Lalo Schifrin, troublée et vraiment touchante) et Bertrand Tavernier, tous sous le charme du célébrissime compositeur qui aura à la fois ému et amusé le public.

Ce festival m’a aussi permis de découvrir Tim Roth à l’occasion de la projection de Little Odessa de James Gray (1994), me donnant envie d’en découvrir plus sur ces deux artistes… Côté projections, j’ai une nouvelle fois été transportée par cette fable unique en son genre qu’est Le Septième Sceau (1957) ; succombé pour la première fois à la force et à la folie de Runaway Train d’Andrei Konchalovsky (1985) ; ai pensé que décidément, Joan Fontaine n’avait vraiment pas de chance avec les hommes en voyant le magnifique Lettre d’une inconnue de Max Ophüls (1948)…

Quels regrets après tous ces miracles ? Ne pas avoir eu la possibilité d’assister à la Remise du Prix Lumière 2012 à Ken Loach, ne pas avoir vu Agnès Varda et Jacqueline Bisset ; rater les projections de Comme un torrent (Some Came Running) de Vincente Minnelli (1958) proposé dans le cadre de l’hommage à Dean Martin, La Nuit américaine de François Truffaut (1973), E.T. sur écran géant (même si je n’ai peut-être plus l’âge, mais passons !), La Nuit du chasseur de Charles Laughton (1955, dans une copie restaurée), Tess de Roman Polanski (1979), et bien d’autres, évidemment… Je pense donc d’ores-et-déjà m’organiser autrement l’année prochaine, peut-être même en poussant le vice jusqu’à poser une semaine de vacances pour en profiter encore plus ? Qui sait !

8 réflexions sur “Mon Festival Lumière 2012

  1. chaque année, moi c’est pareil je me dis que j’en ai pas assez profité, et que l’année prochaine je ferais mieux…maintenant je sais que je ne peux pas me permettre de poser une semaine entière hors vacances scolaires, donc je me contente de ce que j’ai…ah Tim Roth et James Gray, moi je suis un vrai fan de leurs oeuvres que je connais plutot très bien, mais je me serais bien replongé dans Litlle Odessa vu pratiquement à sa sortie…
    personnellement, je me suis juste fait 4 films dont 2 Loach, et aucune master class…mal organisé comme je suis, je m’y suis toujours pointé à la dernière minute et devant la foule qu’il y avait, j’avais plus de place :o)
    enfin en tout cas comme tu le dis vivement l’année prochaine!!!

  2. Comme je te comprends de vouloir poser des vacances pour plus en profiter l’année prochaine, ce Festival a l’air vraiment super (je suis un peu jalouse car j’adore Isabelle Huppert ;o) )!!

    • Je l’ai trouvée magnifique, comme dans tous ses films… Une très grande actrice et une femme remarquable ! Merci d’être passée par là My Little Discoveries !

  3. Prendre une semaine de congés me semble être une bonne idée ! 😉 Je l’ai dit à filou, je te l’ai dit sur FB, je te le redis ici : je suis définitivement jalouse ! J’aurais bien aimé assister à la rencontre avec Max von Sydow, voir Isabelle Huppert et tous ces prodigieux films sur grand écran !
    Merci pour ce bel article Le Chat et bonne soirée !

  4. Merci pour ce compte-rendu. Toutefois « inédite » pour la projection de Heaven’s Gate, elle s’est déjà montrée deux fois à Venise 😉 Mais c’est vrai qu’on ne l’a jamais vu comme ça ce film !

    Par curiosité, un sous-titrage français avait-il été réalisé pour la projection de Lyon (je présume mais sait-on jamais) Et si il y avait des logos de distributeurs quels étaient-ils? A part celui de ParkCircus, détenteur mondial des droits d’exploitation en salle, qui précédait celle de Venise..

    • Bonjour « Inderweltsein ». Merci à vous d’être passé par ici et d’avoir déposé votre intéressant commentaire (j’ai donc ajouté « en France », car comme vous le dites si bien, ce film avait déjà été présenté dans cette version à Venise, exact !). Pour répondre à votre question, oui, il y avait bien un sous-titrage français. Je me souviens surtout avoir vu le logo de Carlotta, mais pour le reste, je ne peux pas vraiment vous aider… Bien à vous.

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